Introduction au Système Juridique et Judiciaire du Bénin

Par Ahonagnon Noel Gbaguidi et William Kodjoh-Kpakpassou

Ahonagnon Noel Gbaguidi est Professeur Agrégé de Droit Privé, Directeur de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature du Bénin.

William Kodjoh-Kpakpassou est Juge au Tribunal de Première Instance de Cotonou (Benin), Chargé de Cours à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Bénin.

Publié Mars/Avril 2009
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Sommaire

 

1. Introduction

2. Le Système Juridique du Bénin

2.1 La Constitution et l’État de Droit

3. Le Droit Applicable

3.1 Le Dualisme du Droit d’Origine Nationale

3.1.1 Signification du Dualisme Juridique

3.1.2 Principes Fondamentaux d’Indentification du Droit Applicable

3.1.3 Quelques Lois Uniformes, Quelques Lois Nationales Importantes

3.2 Le Droit International

4. L’Organisation Judiciaire du Bénin

4.1 Le Pouvoir Judiciaire

4.2 Cour Suprême et les Juridictions de Fond

4.3 La Haute Cour de Justice

5. Les Principaux Acteurs Judiciaires

5.1 Les Magistrats

5.2 Les Greffiers et Officiers de Justice

5.3 Les Auxiliaires de Justice

     5.3.1 Les Avocats

     5.3.2 Les Huissiers de Justice

     5.3.3 Les Notaires

     5.3.4 Les Commissaires-Priseurs

6. Sigles et Abréviations

 

1. Introduction

La République du Bénin est un pays francophone de l’Afrique de l’Ouest couvrant une superficie de 114 763 kilomètres carrés, avec une population estimée à sept millions cent quatre vingt dix huit mille six cent dix huit (7.198.618) habitants en 2004. Le pays est découpé en douze départements : Alibori, Atacora, Atlantique, Borgou, Collines, Couffo, Donga, Littoral, Mono, Ouéme, Plateau et Zou. Allongée en latitude, elle s’étend de l’Océan Atlantique au fleuve Niger sur une longueur de 700 kilomètres. Sa largeur varie de 125 kilomètres (le long de la côte) à 325 kilomètres (latitude de la localité de Tanguiéta).

La République du Bénin est limitée au Nord par le Niger et le Burkina Faso, au Sud par l’Océan Atlantique, à l’Est par le Nigéria et à l’Ouest par le Togo.

La population du Bénin est très jeune. La répartition par sexe et par grands groupes d’âges montre que la population est majoritairement féminine (51,5%). Les personnes de 15 à 59 ans représentent 42,9%, celles de 15 à 24 ans 18% (avec 9% de personnes de sexe féminin) et celles de 25 à 39 ans 19% (avec 10,5% de personnes de sexe féminin). Concernant le milieu de résidence, 38,9% de la population béninoise vit en milieu urbain et 61,1% en milieu rural. Le rapport de masculinité est sensiblement identique en milieu urbain (94,6%) et en milieu rural (93,8%).[1]

Après plus d’un demi- siècle de colonisation par la France, le Bénin, autrefois appelé Dahomey, s’est proclamé une République le 4 décembre 1958, et a accédé à la souveraineté le 1er août 1960.

La République du Bénin a connu une histoire constitutionnelle et politique mouvementée depuis son accession à la souveraineté internationale. Les années 1960 à 1972 ont été marquées par une grande instabilité avec la succession de plusieurs régimes civils et militaires. De 1972 à 1990, le pays a connu une expérience révolutionnaire militaro-marxiste dans le contexte de la guerre froide. La déconfiture économique et sociale a conduit le régime en place a organisé une Conférence regroupant toutes les Forces Vives de la Nation pour définir une nouvelle vision de la politique et du développement. Cette « Conférence Nationale » tenue à Cotonou du 19 au 28 février 1990 a opté pour la création d’un « Etat de droit et de démocratie pluraliste dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant da sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle ».[2]

Ainsi, depuis 1990, le Bénin développe un système démocratique marqué par l’alternance au sommet de l’Etat avec la tenue régulière des élections présidentielles, législatives, communales et locales.

Malgré ses performances en matière de démocratie, le Bénin reste un pays pauvre dans le classement mondial des Etats. Le défi du développement économique et social est une priorité nationale comme dans bien de pays africains au Sud du Sahara.

Ancienne colonie française, son système juridique et judiciaire demeure marqué par cet héritage caractérisé par la réception plus ou moins prononcé du modèle français. Nous en présenterons ici les grands traits.

2. Le Système Juridique du Benin[3]

L’option démocratique prise par le Bénin en 1990 à la suite de la « Conférence Nationales des Forces Vives » a permis l’adoption d’une nouvelle Constitution le 11 décembre 1990. Cette Constitution en son Préambule dit l’attachement du Peuple béninois aux « principes de la démocratie et des Droits de l’Homme tels qu’ils sont définis par la Charte des Nations-Unies de 1945 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine, ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la (…) Constitution et du droit béninois et ont une valeur supérieure à la loi interne ».

Quant à la loi interne béninoise, elle est constituée par divers textes législatifs et règlementaire couvrant les principaux aspects de l’activité humaine tels que le droit de la famille, le droit foncier, le droit du travail, le droit pénal, la procédure pénale, et la procédure civile, commerciale, sociale, et administrative.

2.1 La Constitution et l’État de Droit

La Constitution actuellement en vigueur au Bénin a été adopté à l’issue d’un referendum populaire le 11 décembre 1990. Cette Constitution organise un Etat unitaire décentralisé, démocratique et laïque, fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le régime est de type présidentiel. Depuis 1990, les élections présidentielles et législatives sont organisées à échéance régulière, en dépit des difficultés financières qu’engendre leur tenue.

La République du Bénin est aujourd’hui une jeune démocratie où l’Etat de droit se construit chaque jour, avec une société civile dynamique. L’administration territoriale y est décentralisée depuis l’année 2003.

L’une des grandes innovations de cette Constitution en 1990 est l’incorporation de la Charte Africaine des Droits de l’Homme dont les dispositions ont une valeur supérieure à la loi interne. L’introduction de la Charte Africaine des Droits de l’Homme dans la Loi Fondamentale du pays traduit la détermination du peuple en faveur du respect de la personne humaine et des libertés publiques. Outre l’introduction de la Charte Africaine des Droits de l’Homme, la Constitution du 11 décembre 1990 contient un titre comportant 34 articles uniquement consacré aux « Droits et Devoirs de la Personne Humaine ». L’article 8 de la Constitution dispose notamment que « la personne humaine est sacrée et inviolable. L’État a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi ». Par ailleurs, aux termes de l’article 26, l'État doit d’assurer « à tous l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de position sociale. L'homme et la femme sont égaux en droit. L'État protège la famille et particulièrement la mère et l'enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées ».

Pour éviter que les règles fondamentales ainsi posées ne deviennent lettres mortes, il est institué une Cour Constitutionnelle qui est la plus Haute Juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et des actes réglementaires, et garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est par ailleurs, l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles (articles 114 et 124 de la Constitution).

En matière de protection des droits de la personne, la justice constitutionnelle, malgré décisions sibyllines[4], reste crédible.[5]

La Constitution prévoit deux modalités de contrôle de constitutionnalité : le contrôle direct et le contrôle indirect ou incident.

Le contrôle direct vise tout d’abord à empêcher l’entrée en vigueur de normes soupçonné d’inconstitutionnalité, évitant ainsi qu’elles produisent des effets juridiques. Ensuite, il a pour but de diminuer voire d’écarter les réserves qui pourraient éventuellement être soulevées quant à la constitutionnalité du texte au cours de son application. Le contrôle direct s’opère par voie d’action. Il s’exerce a priori ou a posteriori. Au Bénin, il porte sur les lois organiques, les lois en général et les actes réglementaires censés porter atteinte aux droits de la personne, les règlements intérieurs de l’Assemblée nationale, de la Haute Autorité de l’Audio-visuel et de la Communication (HAAC), du Conseil Economique et Social (CES)[6] ainsi que sur les traités et accords internationaux.[7] Mais seuls les lois organiques et les règlements intérieurs de l’assemblée nationale, de la HAAC et du CES subissent le contrôle a priori obligatoire.[8] S’agissant des autres normes, elles subissent le contrôle a posteriori. Dans ce cas, le droit de saisine est ouvert aux citoyens.

A l’opposé du contrôle direct, le contrôle indirect s’exerce sur renvoi par une juridiction saisie d’une exception d’inconstitutionnalité. Il ne concerne que les lois.[9]

En principe, les décisions de justice sont exclues du contrôle de constitutionnalité. Mais selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, cette soustraction des décisions de justice au contrôle du juge constitutionnel ne joue que dans la mesure où ces dernières ne violent pas les droits de la personne. A travers sa jurisprudence, la Haute juridiction a progressivement étendu sa compétence aux décisions de justice qui méconnaissent les droits humains. Ce mouvement, mis en route depuis 1996 a connu son épilogue le 11 novembre 2003 où la Cour, par la décision DCC 03-166[10], a dit et jugé que « les décisions de justice n’étaient pas des actes au sens de l’article 3 al.3 de la Constitution que pour autant qu’elles ne violent pas les droits de l’homme ». Autrement dit, elles deviennent des soumis au contrôle de constitutionnalité, lorsqu’elles portent atteintes à ces droits. La première sanction d’une décision de justice par la Cour constitutionnelle remonte à 1996. Pour avoir méconnu l’obligation constitutionnelle de surseoir à statuer en cas de soulèvement d’exception d’inconstitutionnalité[11], la Cour d’Appel de Cotonou a vu son arrêt avant-dire-droit n°66 du 2 septembre 1994 déclaré non conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle.[12] Le 20 août 2003, pour avoir ignoré le principe du contradictoire résultant du droit à la défense, le juge du Tribunal de Première Instance de Lokossa qui a rendu le jugement n°960/01 du 29 novembre 2001 a vu son comportement déclaré contraire à l’article 7-c de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples et à l’article 35 de la Constitution du 11 décembre 1990.[13] La Cour s’est donc reconnue compétente pour juger de la constitutionnalité des décisions des tribunaux et des Cours d’appel. Après s’être, pendant longtemps, refusée à se prononcer sur la constitutionnalité des arrêts de la Cour suprême en se fondant sur les articles 3 al.3 et 131 de la Constitution[14], la Haute juridiction a également fini par considérer ces derniers comme des actes contrôlables par elle s’ils violent des droits de l’homme.[15] Ainsi donc, tout acte, y compris les décisions de justice, violant les droits de la personne peuvent être sanctionné comme étant inconstitutionnel.

Cette extension de compétence opérée par la Cour Constitutionnelle est très controversée et pose des questions de droit importantes. Un processus de révision de la Constitution en vue d’en corriger les imperfections est en cours depuis l’année 2008. Il permettra certainement de clarifier ce débat.

La Cour Constitutionnelle du Bénin exerce effectivement les pouvoirs qui lui sont reconnus par la Constitution.[16] Elle statue régulièrement, sur saisine directe des citoyens, sur les cas de violation des Droits de l’Homme dont elle est saisie. Elle produit une abondante jurisprudence sur les Droits de l’Homme et autres matières de sa compétence, laquelle est éditée sous forme de recueils et disponible sur internet. Les différents contrôles de constitutionnalité sont effectifs et aboutissent à différentes sortes de décisions. La Cour Constitutionnelle est actuellement à sa quatrième mandature (qui est de cinq ans) et elle jouit d’une grande autorité au Bénin.

Ainsi, en dehors de la saisine libre des tribunaux pour faire sanctionner les droits dont ils se prétendent titulaires, les citoyens peuvent déférer à la Cour Constitutionnelle tout fait ou toute situation juridique censée porter atteinte aux Droits de l’Homme.

3. Le Droit Applicable

Le système juridique béninois est fortement marqué par le fait colonial lié à la pénétration française. En effet, la situation juridique du pays se manifeste par la conjonction de droit écrit dit moderne et d’un droit coutumier formé par les règles coutumières traditionnelles. L’application simultanée de ces deux catégories de normes fait dire que le droit positif béninois est dualiste. En outre, le droit international avec ses standards internationaux influence beaucoup le contenu du droit positif. Nous présenterons successivement le dualisme juridique et le droit international.

3.1 Le Dualisme du Droit d’Origine Nationale

Nous exposerons la signification de ce dualisme juridique, puis les principes fondamentaux de détermination du droit positif béninois.

3.1.1 Signification du Dualisme Juridique 

Le système juridique béninois est caractérisé par la coexistence du droit moderne et du droit coutumier.[17] Le droit dit moderne est constitué par la législation d’origine coloniale et la législation écrite d’origine nationale. Le droit français a d’abord été introduit au Sénégal en 1830. Il a ensuite été rendu applicable dans les autres colonies de l’Afrique Occidentale Française (AOF) par des décrets appelés « décrets d’introduction », lesquels ont rendu applicables la législation civile, commerciale et criminelle du Sénégal.

Actuellement, le droit moderne est composé des textes issus de l’activité législative nationale assez variée et touchant aussi bien le droit public que le droit privé.

Quant au droit coutumier, il est constitué par un ensemble de règles issues des coutumes locales. À la colonisation, ces règles coutumières ont été recueillies et transcrites dans un document appelé « coutumier du Dahomey». Son domaine était essentiellement composé du droit foncier à l’exclusion des immeubles ayant fait l’objet d’une immatriculation au livre foncier et du statut personnel. Mais depuis le 24 août 2004, le Bénin s’est doté d’un Code des Personnes et de la Famille dont l’article 1030 dispose que « les coutumes cessent d’avoir force de loi en toutes matières régies par le (…) code ». Désormais, le droit foncier reste le domaine de prédilection du droit coutumier avec le résiduel du droit transitoire familial.

3.1.2 Principes Fondamentaux d’Identification du Droit Applicable

Trois principes permettent de déterminer le droit applicable au Bénin :[18]

·       principe de la spécialité législative

·       principe de l’autonomie législative

·       principe de la continuité législative

Le principe de la spécialité législative

Le Bénin actuel (ex-Dahomey), ayant été une colonie française, les lois adoptées par l’assemblée Nationale française avaient également vocation à s’appliquer dans la colonie du Dahomey. Mais, pour ce faire, un texte devrait le requérir expressément ; soit la loi elle-même, soit un décret.

Le principe de l’autonomie législative

La Constitution dite de la Communauté française de 14 octobre 1958 a créé des assemblées territoriales dans les colonies dont le Dahomey. Par cette réforme, le parlement français perdait normalement la compétence de légiférer pour les colonies. Ce qui signifie que les lois adoptées après cette date ne pouvaient plus être introduites dans les colonies.

Le principe de la continuité législative

C’est la réception du droit antérieur. Pour éviter un vide juridique, l’État du Dahomey nouvellement indépendant a décidé de maintenir l’ordre juridique antérieur. Cette réception du droit antérieur a été opérée par des clauses de réception du droit antérieur contenues dans les différentes constitutions du Dahomey puis du Bénin. Mais, le droit antérieur réceptionné par le nouvel État indépendant ne peut être que celui pour lequel le parlement local n’avait pas compétence législative.

Il est possible de donner un bref aperçu du système juridique à travers de quelques textes de lois internes pertinents.

3.1.3 Quelques Lois Uniformes, Quelques Lois Nationales Importantes

La législation issue de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)[19] :

Créée en 1993, l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) regroupant (seize) 16 États (Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo), a entrepris un important effort de modernisation du droit des affaires par l’élaboration d’« Actes Uniformes » directement applicables dans les États Parties nonobstant toutes dispositions de droit interne antérieure ou postérieure. Les Actes Uniformes touchent différentes matières du droit. Ceux qui sont actuellement en vigueur sont relatifs aux domaines suivants : le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique, les sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement de créances et les voies d’exécution, les procédures collectives d’apurement du passif, l’arbitrage, et le transport de marchandises par route. Des projets d’Actes Uniformes relatifs au droit du travail et au droit des contrats sont actuellement en cours d’étude.

L’objectif de l’OHADA est de créer la sécurité juridique et judiciaire dans les États-parties pour encourager les investissements économiques et le développement.

Le contentieux relatif à l’application des Actes Uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des États Parties (article 13 du Traité OHADA). Pour assurer l’unité d’interprétation des Actes Uniformes dans les seize (16) États-parties au Traité du 17 octobre 1993 ayant créé l’OHADA, l’Organisation s’est dotée d’une Haute Juridiction Unique, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) dont le siège est à Abidjan en Côte d’Ivoire. La CCJA est saisie par la voie du recours en cassation sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des États-parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction dans les mêmes contentieux. En cas de cassation, la CCJA évoque et statue au fond. Cette technique assez exceptionnelle en droit francophone africain vise à atteindre l’effort d’unification dans l’interprétation du droit OHADA.[20]

La Législation nationale du travail[21] :

Jusqu’en 1998, c’est l’Ordonnance n° 33 P.R./MFPTT du 28 septembre 1967 portant Code du Travail qui organisait principalement les rapports de travail en République du Bénin. Mais ce texte, devenu désuet, a été remplacé par la loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant nouveau Code du Travail. Ce Code comporte des règles très précises qui garantissent les droits des salariés et des employeurs ainsi que les modes de règlement des différends individuels et collectifs du travail. La plupart des questions touchant au monde du travail et à l’organisation des rapports de travail y sont traitées. On peut citer, par exemple : les conditions de conclusion et de rupture du contrat de travail, la durée du travail et des repos, le congé payé annuel, la détermination du salaire et son paiement, la sécurité et la santé au travail, le contrôle du travail et la promotion de l’emploi.

Ainsi, il est interdit à un employeur de prendre en compte le sexe, l’âge, la race ou le lien ethnique ou de parenté des travailleurs pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment : l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la promotion, la rémunération, l’octroi d’avantages sociaux ou la rupture du contrat de travail (article 4). Dans le même sens, le Code du Travail affirme le principe selon lequel « à travail de valeur égale, le salaire est égal pour tous les travailleurs quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge, leur statut et leur confession » (article 208).

Le nouveau Code béninois du Travail prend également en compte la dimension genre à travers des règles spéciales de protection des femmes enceintes en milieu du travail. Ainsi, toute femme enceinte a droit à un congé de maternité de six (06) semaines au moins, au cours duquel elle conserve la totalité du salaire qu’elle percevait. Par ailleurs, il est interdit de licencier une femme en état de grossesse apparente ou médicalement constatée. Tout licenciement prononcé ou maintenu en violation de ces prescriptions ouvre droit au profit de la femme salariée victime, à des dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs à douze mois (12) de salaire (articles 170 à 175). Ces dispositions légales sont généralement observées par les employeurs. Il n’en demeure pas moins que des cas sont portés devant les Tribunaux qui appliquent la loi pour sanctionner les abus.

De façon générale, on peut soutenir que le cadre légal du travail au Bénin est satisfaisant. C’est ainsi que le 30 décembre 2005, les organisations d’employeurs et de travailleurs ont signé une nouvelle Convention Collective Générale du Travail applicable aux entreprises des secteurs privé et parapublics en remplacement de la précédente qui était en vigueur depuis le 17 mai 1974. Parmi les innovations de cette Convention, nous pouvons citer la définition des catégories d’emploi et leur classification ainsi que le relèvement de cinq (05) points des différents pourcentages de calcul de l’indemnité de licenciement. Cette nouvelle Convention Collective est une illustration de la vitalité du droit du travail en République du Bénin. Les partenaires sociaux ont réaffirmé dans cette Convention Collective l’obligation pour l’employeur de s’affilier à la Caisse de Sécurité Sociale et de déclarer ses travailleurs à cette Caisse dès le premier jour de leur recrutement. Il a été observé, en effet, que nombre d’employeurs ne satisfont pas à cette obligation, de sorte que ce problème est très souvent posé à l’occasion de la rupture du contrat de travail. Un effort important mérite d’être fait à ce sujet.

La loi n° 2002-07 du 24 août 2004 portant Code des Personnes et de la Famille en République du Bénin[22] :

Le Bénin s’est doté d’un Code des Personnes et de la famille en 2004 après plusieurs décennies d’application simultanée du droit civil hérité de la colonisation française et du droit coutumier. Le droit coutumier dans sa dimension relative à la famille comportait de nombreuses insuffisances en ce qu’il était contraire aux engagements internationaux du Bénin en matière de droits humains, notamment la question de l’égalité des sexes.

Le Code des Personnes et de la famille a unifié le droit de la famille applicable à tous les Béninois. Elle traite des questions concernant, entre autres, l’état civil, le mariage, la filiation, l’adoption, les donations et les successions. Ce Code a introduit des innovations dans le droit béninois, telles que l’abolition de la polygamie, la vocation successorale du conjoint survivant sans tenir compte, ni de la nature, ni de l’origine des biens, l’égalité des époux, l’égalité des droits des enfants quelles que soient les circonstances de leur naissance. Il constitue une avancée majeure dans la résolution des questions de droit qui se posaient à la famille au Bénin. Son application effective est déjà une réalité devant les Cours et Tribunaux du pays.

La loi n° 2006-19 du 05 septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes[23] :

L’arsenal juridique béninois comporte différents textes de lois en matière civile et pénale. La loi portant répression du harcèlement est intervenue en 2006 pour compléter le cadre juridique en vigueur en vue de la moralisation des rapports entre les individus. Cette loi réprime comme étant constitutif de harcèlement sexuel, le fait pour quelqu’un de donner des ordres, d’user de paroles, de gestes, d’écrits, de messages et ce, façon répétée, de proférer des menaces, d’imposer des contraintes, d’exercer de pressions ou d’utiliser tout autre moyen aux fins d’obtenir d’une personne en situation de vulnérabilité ou de subordination, des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers contre la volonté de la personne harcelée.

En dehors de la personne harcelée, la loi protège les témoins et les personnes qui dénoncent cette infraction.

Loi n° 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en république du Bénin[24] :

Ce texte fixe les règles principes fondamentaux relatifs au régime foncier rural en république. La nécessité de cette loi s’explique par le dualisme du système foncier (coexistence du système coutumier et de celui de l’immatriculation) engendrant une insécurité foncière, entravant par conséquent la mise en valeur durable des terres en général et les terres rurales en particulier.

Loi n° 2006-14 du 3 octobre 2006 portant lutte contre le blanchiment des capitaux[25] :

Sur directives de l’UEMOA, les États parties doivent adopter des textes luttant contre le blanchiment. C’est dans ce cadre que cette loi a été adoptée couvrant les différents aspects du blanchiment : placement, empilage et intégration.

Loi n° 2006-04 du 10 avril 2006 portant condition de déplacement des mineurs et répression de la traite d’enfants en république du Bénin[26] :

Le Bénin fait partie des États où le phénomène du trafic des enfants est régulièrement dénoncé. C’est pour lutter contre ce fléau que cette loi a été adoptée.

Loi n° 2008-07 portant code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative (non encore promulguée).

3.2 Le Droit International

Outre les normes d’origine nationale, le Bénin est partie à plusieurs instruments juridiques tant au plan universel qu’au plan régional.

Au plan universel, il y a trois catégories d’instruments : les instruments de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les instruments de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), et les conventions relatives au droit international humanitaire.

S’agissant des instruments de l’ONU,[27] le Bénin est partie au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1992), au pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son protocole facultatif (1992), aux conventions relatives à l’esclavage (1992), au statut des réfugiés (1962) et son protocole facultatif (1969). Il a ratifié les conventions sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement du mariage (1965), sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (2001), et sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1992). La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1992), la convention internationale sur l’élimination et la répression du crime de l’apartheid (1974), la convention relative aux droits de l’enfant (1990) et ses deux protocoles facultatifs (2005) font aussi partie des instruments juridiques relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Bénin. Le Bénin est aussi partie au statut de la Cour pénale internationale (2002), à la convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1963), à la convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (1986), à la convention relative aux infractions et à certains autres actes survenus à bord des aéronefs (2004), à la convention pour la répression des actes illicites (2004), à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (2003). Le Bénin a enfin ratifié comme instruments des Nations Unies, la convention internationale contre la prise d’otage (2003), la convention pour la répression de la capture illicite des aéronefs (1972), le protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéronefs servant à l’aviation civile internationale (2004), la convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détention (2003), la convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif (2003), et la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (2004).

Dans le domaine du travail, les conventions n°29 concernant le travail forcé (1960), n°87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1960), n°98 relative à l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective (1968), n°100 relative à l’égalité et la rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (1968), n°105 sur l’abolition du travail forcé (1961), n°111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (1961) et n°135 concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder (2001) ont été ratifiées par l’État béninois.

En droit international humanitaire, les quatre conventions de Genève ont été ratifiées par le Bénin (1961). Il en va de même des protocoles relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux (1986) et à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (1984) et des protocoles I et III relatifs le premier à la convention de 1980 et portant sur les armes à l’éclat non localisables (1989), et le second à la convention de 1980 et portant sur les armes incendiaires (1989). Le Bénin a enfin ratifié dans le domaine du droit international humanitaire, la convention sur certaines armes conventionnelles (1989) et le traité d’Ottawa d’interdiction des mines anti-personnelles (1998).

Au plan régional africain, le Bénin est partie à la convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1973), à la convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique (1979), à la charte culturelle en Afrique, à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1986) et à la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (1997).

Le droit conventionnel communautaire (lois uniformes) est d’application directe. En ce qui concerne l’application des conventions internationales signées par le Bénin, la Constitution prévoit en son article 147 que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».

Ce texte donne primauté aux conventions internationales sur les lois ordinaires, lorsqu’elles sont ratifiées, puis publiées, sous réserve de réciprocité.[28]

L’article 147 de la Constitution permet aux parties à un procès d’invoquer le bénéfice de l’application des conventions internationales ratifiées et publiées, dans les litiges qui les concernent. Lorsqu’une telle convention est invoquée dans un procès, le Juge a la possibilité de l’appliquer directement au cas concerné. Ainsi par exemple, une personne victime de discrimination à l’embauche peut se prévaloir, devant le Juge du Travail, aussi bien des textes nationaux qui l’interdisent (article 4 du Code du Travail par exemple) que de la convention n° 111 de l’Organisation Internationale du Travail.

4. L’organisation Judiciaire du Bénin

La Constitution béninoise prévoit un Pouvoir Judiciaire comprenant deux Hautes Juridictions : la Cour Suprême et la Haute Cour de Justice. La Haute Cour de Justice est une juridiction spéciale au contraire de la Cour Suprême.

Les principes fondamentaux de l’organisation judiciaire en République du Bénin sont définis dans la Constitution du 11 décembre 1990 que complètent notamment :

SCHEMA ILLUSTRATIF DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE AU BENIN

 


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4.1 Le Pouvoir Judiciaire

Dans la lettre de la constitution du 11 décembre 1990, la cour constitutionnelle n’est pas une composante du pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire tel prévu au Titre VI comprend la cour suprême, les juridictions du fond et la Haute cour de justice.

4.2 Cour Suprême et les Juridictions de Fond

Aux termes de l’article 131 alinéa 1 de la constitution du 11 décembre 1990, « La Cour suprême est la plus haute juridiction de l’Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’État. Elle est également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour Suprême ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent au Pouvoir Exécutif, au Pouvoir Législatif, ainsi qu’à toutes les juridictions».

La Cour Suprême est dirigée par un Président nommé pour une durée de cinq ans par le Président de la République après avis du Président de l’Assemblée Nationale, parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant au moins quinze ans d’expérience professionnelle. Il est inamovible pendant la durée de son mandat qui n’est renouvelable qu’une seule fois.

La Cour Suprême se trouve donc au sommet de l’ordre judiciaire qui comprend les Cours d’Appel et les Tribunaux de Première Instance et les Tribunaux de conciliation. La loi n°2001-37 du 27 Août 2002 a introduit d’importantes innovations dans l’organisation judiciaire béninoise par abrogation de la précédente loi du 09 décembre 1964.

La réforme de 2002 modifie la carte judiciaire du pays qui comptait huit Tribunaux répartis sur l’ensemble du territoire depuis l’accession du pays à la souveraineté internationale. Elle créé vingt huit tribunaux de première instance et trois cours d’appel. Cette loi qui élargit la carte judiciaire du pays n’est pas encore effective en ce qui concerne la création des vingt Tribunaux de première instance qu’elle institue. Seules les Cours d’Appel installées dans chacune des grandes villes du Sud, du Centre et du Nord du pays (Cotonou, Abomey et Parakou, respectivement) sont déjà fonctionnels.

La loi de 2002 a également supprimé l’exclusivité de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, dans le règlement du contentieux administratif. Sont désormais créées une chambre administrative par Tribunal de Première Instance et par Cour d’Appel. Mais l’effectivité de cette réforme est aussi tributaire de l’installation des nouveaux tribunaux.

Quant au Tribunal de conciliation, il est institué par arrondissement dans les communes à statut particulier (Cotonou, Porto-novo et Parakou). Pour ce qui concerne les communes ordinaires, il y est institué un par commune. Comme le nom l’indique, les tribunaux de conciliation ont pour mission de rechercher la conciliation entre les protagonistes d’un litige ; ils sont animés par des notables et non des juges professionnels ; ils ne rendent pas des décisions de nature juridictionnelle. Par conséquent, on ne saurait les considérer comme un degré de juridiction. Leur domaine d’intervention privilégié reste actuellement la recherche de la conciliation dans les litiges domaniaux qui sont très fréquents dans le pays.

Le premier degré de juridiction est donc le tribunal de première instance. Il en existe deux types : les tribunaux de première instance de première classe et les tribunaux de première instance de deuxième classe. Les premiers siègent dans les chefs lieux des communes à statut particulier que sont Cotonou, Porto Novo et Parakou. Les deuxièmes sont au nombre de vingt cinq répartis sur l’ensemble du territoire à raison de un Tribunal pour trois communes voisines.

Les tribunaux de première instance sont animés par des juges professionnels. Ils sont juges de droit commun en matière pénale, civile, commerciale, sociale et administrative.

La procédure devant les tribunaux de première instance est régie par un code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative dont un nouveau projet voté dans le courant de l’année 2008 par l’Assemblée Nationale qui est attente de promulgation par le Président de la République. Il y a également sur la table des députés un nouveau projet de code pénal et de procédure pénale destinés à prendre en compte l’évolution actuelle de la répression des infractions et de l’adaptation des peines par l’introduction du travail d’intérêt général.

Les décisions des tribunaux de première instance sont susceptibles d’appel devant les cours d’appel. Ces derniers sont au nombre de trois : la cour d’appel de Cotonou dont la juridiction s’étend aux départements du Littoral, de l’Atlantique, de l’Ouémé et du Plateau ; la cour d’appel d’Abomey compétente dans les départements du Zou, des Collines, du Mono et du Couffo et la cour d’appel de Parakou qui a juridiction sur les départements du Borgou, de l’Alibori, de l’Atacora et de la Donga. Chaque cour d’appel comprend au moins une chambre civile moderne et sociale, une chambre administrative, une chambre de droit traditionnel, une chambre correctionnelle, une chambre des comptes, une chambre d’accusation, et une chambre commerciale. Au siège de chaque cour d’appel, il est établi une cour d’assises.

Les décisions des cours d’appel peuvent faire l’objet de pourvoi en cassation devant la cour suprême. Au sein de la cour suprême siègent une chambre administrative, une chambre judiciaire et une chambre des comptes. Chaque chambre est juge de cassation des décisions rendues au niveau inférieur en ce qui concerne son domaine de compétence. La cour suprême statue en formation juridictionnelle toutes chambres réunies :

4.3 La Haute Cour de Justice

La Haute Cour de Justice est composée des membres de la Cour Constitutionnelle à l’exception de son président, de six députés élus par l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour Suprême. Elle élit en son sein son président. Elle est compétente pour juger le président de la république et les membres du gouvernement à raison de faits qualifiés de haute trahison, d’infraction commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.

La Haute Cour de Justice est liée par la définition des infractions et par la détermination des sanctions résultant des lois pénales en vigueur à l’époque des faits. La décision de poursuite puis la mise en accusation du président de la république et des membres du gouvernement est votée à la majorité des deux tiers des députés composant l’assemblée nationale, selon la procédure prévue par le règlement intérieur de l’assemblée nationale. L’instruction est menée par les magistrats de la chambre d’accusation de la cour d’appel ayant juridiction sur le lieu du siège de l’Assemblée Nationale.

Le Président de la République et les membres du gouvernement sont suspendus de leurs fonctions en cas de mise en accusation pour haute trahison à l’assemblée nationale et atteinte à l’honneur et à la probité. En cas de condamnation, ils sont déchus de leurs charges.

Longtemps décriée comme une institution budgétivore sans réelle emprise juridictionnelle, la Haute Cour de Justice est saisie depuis l’année 2006 d’un dossier d’instruction comme un ancien ministre soupçonné de détournements de fonds publics. En dépit de ce début d’activité, cette juridiction spéciale est considérée est inefficace pour garantir la moralisation de la vie publique tant par la complexité de sa composition que par les mécanismes de saisine et de fonctionnement qui la régissent.

5. Les Principaux Acteurs Judiciaires

Le système judiciaire au Bénin est animé par des acteurs à divers niveaux que sont principalement les Magistrats, greffiers, et les auxiliaires de justice.

5.1 Les Magistrats

L’ensemble des Magistrats forment le corps de la Magistrature. La fonction de Magistrat est prévue par la Constitution du 11 décembre 1990. Le statut de la Magistrature est organisé par la loi n° 2001-35 du 21 février 2003.

Aux termes de l’article 126 de la Constitution, « la justice est rendue au nom du Peuple Béninois. Les Juges ne sont dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les Magistrats du siège sont inamovibles ».

Les Magistrats sont des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État. Ils sont actuellement formés par l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM). Ils sont intégrés dans le corps de la Magistrature par un décret du Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Ils jouissent de certains privilèges destinés à garantir l’indépendance de la fonction en même temps qu’ils sont soumis à des obligations déontologiques importantes. Ces privilèges d’ordre professionnel sont plus marqués lorsqu’on distingue les magistrats suivant les fonctions qu’ils occupent.

En effet, aux termes de l’article 1er du statut de la Magistrature, les Magistrats sont en service soit dans les juridictions, soit dans l’administration centrale du Ministère de la Justice, soit en détachement dans d’autres organismes.

Lorsqu’ils sont en service dans les juridictions, les Magistrats sont nommés soit au siège (Juges au Tribunal, Juges d’Instruction, Juges pour enfants), soit au parquet (Procureur Général ou Substituts Généraux près la Cour d’Appel, Procureur de la République ou Substituts près le Tribunal de Première Instance).

Les Magistrats du parquet et de l’administration centrale du ministère de la justice sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Ils peuvent être affectés d’un poste à un autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (article 6 de la loi portant statut de la Magistrature).

Les règles ainsi rappelées contiennent toute la différence entre les magistrats du parquet et les magistrats du siège (les Juges). En effet, à la différence des magistrats du siège, les Magistrats du siège sont inamovibles. En conséquence, le Magistrat du siège ne peut recevoir sans son consentement une affectation nouvelle, même en avancement. L’inamovibilité du Magistrat du siège ne constitue pas un privilège personnel pour le Juge. Elle vise à garantir l’indépendance de la justice. L’affectation du Magistrat du siège est subordonnée à sa consultation à la fois sur la nouvelle fonction qui lui est proposée et le lieu où il est appelé à l’exercer d’une part, et à son consentement préalable d’autre part (articles 23 et 24 de la loi portant statut de la Magistrature).

Le Conseil Supérieur de la Magistrature est l’instance supérieure chargée de la surveillance du respect des règles professionnelles des Magistrats, de l’évolution de leur carrière et de la discipline du corps. Le Conseil Supérieur de la Magistrature est organisé par la loi n° 94-027 du 15 juin 1999.

5.2 Les Greffiers et Officiers de Justice

Les greffiers et officiers de justice sont des agents permanents de l’État. Ils ont deux fonctions essentielles. La première, la plus visible est d’assister les magistrats aux audiences et dans toutes les procédures contentieuses ou gracieuses. Ainsi, participent-ils à l’activité juridictionnelle par l’assistance le greffe. La deuxième fonction est d’assurer l’ensemble des services administratifs des juridictions.

Outre ces fonctions, les Officiers de justice assurent des fonctions de direction et d’encadrement. Régis par la loi n° 2007-01 du 29 mai 2007 organisant leur carrière, Greffiers et officiers de justice sont actuellement formés à l’École Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM).

5.3 Les Auxiliaires de Justice

Les Avocats, Huissiers de Justice, Notaires et Commissaires-priseurs constituent les auxiliaires de justice.

5.3.1 Les Avocats

La profession d’avocat est organisée par la loi n°65-6 du 20 avril 1965 instituant le barreau béninois. L’accès au barreau requiert l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (C.A.P.A) à l’issue d’un examen annuel organisé par la Faculté de Droit de l’Université d’Abomey-calavi et le Barreau.

Les Avocats sont chargés de la défense des causes sur toute l’étendue du territoire lorsqu’ils sont sollicités, parce que constitués soit par des personnes physiques ou morales, soit commis d’office par l’État en matière criminelle. La constitution d’avocat est libre et la représentation des parties par un avocat n’est pas obligatoire devant les Cours et Tribunaux, sauf dans certains contentieux spécifiques, comme par exemple dans certaines matières devant la Cour Suprême. Mais la nouvelle loi portant Code de Procédure Civile, Commerciale, Sociale et Administrative votée en 2008 par le parlement, mais non encore promulguée par le Président de la République, prévoit la représentation obligatoire des parties au procès devant la Cour d’Appel.

Les Avocats jouissent de la liberté d’expression et de la garantie d’indépendance dans la défense des causes qui leur sont soumises, sauf le respect dû aux Cours et Tribunaux.

La discipline professionnelle des Avocats est assurée par le Conseil de l’Ordre des Avocats ayant à sa tête le Bâtonnier qui est le Responsable de la corporation.

L’Ordre des Avocats assure également, en collaboration avec l’Organisation internationale de la Francophonie, les Barreaux français et Africains francophones la formation de ses membres. Dans ce cadre a été créé le Centre International en Afrique de Formation des Avocats Francophones (CIFAF). Le CIFAF est né en 2000 par la volonté des sept États membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). La formation au CIFAF a pour but d’imprégner les avocats en fin de stage des différents instruments juridiques régionaux et sous régionaux existants, et de les aguerrir en matière de droits de l’homme ainsi que plus généralement à l’exercice de leur profession dans différents domaines du droit et de la procédure.

Au Bénin, la quasi - totalité des avocats ont établi leurs cabinets à Cotonou, ville portuaire et capitale économique du Bénin. Cette situation ajoutée à la faiblesse du pouvoir d’achat des Béninois accentue les difficultés d’accès au droit et à une bonne justice.

5.3.2 Les Huissiers de Justice

Aux côtés des Magistrats et Avocats, l’Huissier de Justice constitue le bras armé de la justice.

La profession d’Huissier de Justice est régie par la loi n° 2001-38 du 08 septembre 2005 portant statut de l’Huissier de Justice en République du Bénin et le décret n° 2005-104 du 09 mars 2005 fixant les tarifs des actes d’huissier de justice en matière civile et commerciale.

L’huissier de Justice est un Officier Public et Ministériel chargé principalement de signifier les actes de procédure (assignation, commandement, etc.), de procéder aux constats, et de mettre à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ayant force exécutoire. Aussi bien les hommes que les femmes exercent cette profession au Bénin.

En tant que professionnel dans l’accomplissement de l’œuvre de justice, l’Huissier de Justice intervient, avant le procès pour sauvegarder les droits des parties à travers, par exemple, les constats et interpellations nécessaires à l’établissement ou à la conservation des preuves des faits, au moment de l’introduction du procès par la signification de l’assignation en matière civile et commerciale, au cours du procès par la réalisation d’une variété d’actes de procédure et à la fin du procès pour la mise à exécution des ordres de justice.

L’Huissier de justice est également chargé du recouvrement des créances et procède aux saisies, le cas échéant, soit directement lorsque le créancier détient un titre exécutoire, soit sur décision du Juge.

Il peut également être commis par le Juge pour diverses activités nécessitant la foi authentique attachée aux actes d’huissiers.

La profession d’Huissier de Justice est organisée à travers une institution dénommée « Chambre Nationale des Huissiers de Justice » qui représente l’ensemble de la profession, et qui est chargée du respect des règles déontologiques ainsi que de la discipline.

5.3.3 Les Notaires

La profession de Notaire est régie par la loi n° 2002-015 du 30 décembre 2002 portant statut du notariat en République du Bénin.[31]

Les Notaires sont des officiers publics et ministériels institués pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique. Ils sont chargés d’assurer la date de ces actes et contrats, d’en conserver le dépôt et d’en délivrer les grosses et expéditions.

Les notaires exercent leurs fonctions sur toute l’étendue du territoire national, soit individuellement, soit en association avec d’autres Notaires.

Le public reconnaît essentiellement le Notaire lorsqu’on évoque le testament, mais la fonction de notaire est plus large.

Le Notaire est un Professionnel du droit qui intervient dans différents domaines de l’activité humaine tels que la constitution de société, la rédaction de contrats de toutes sortes, la réception d’actes auxquels les personnes veulent conférer un caractère authentique, etc.

Il peut également être commis par le Juge pour diverses activités, par exemple pour garantir la réalisation des formalités essentielles à une vente immobilière, l’administration judiciaire d’une succession, etc.

Aussi bien les hommes que les femmes exercent cette profession au Bénin. A l’instar de la profession d’Huissier, celle des Notaires est organisée à travers une institution dénommée « Chambre Nationale des Notaires » qui représente l’ensemble de la profession, et qui est chargée du respect des règles déontologiques ainsi que de la discipline.

5.3.4 Les Commissaires-Priseurs

La profession de Commissaire-priseur est organisée par la loi n° 2004-04 du 29 mai 2004 portant statut du Commissaire-priseur en République du Bénin.[32]

Le Commissaire-priseur est un officier ministériel chargé de procéder à l’estimation, aux prisées et à la vente aux enchères publiques des meubles, des effets mobiliers corporels, des marchandises et des éléments corporels de fonds de commerce.

Il a également la charge de procéder aux estimations et aux ventes publiques volontaires, aux ventes publiques après décès ou faillite, aux ventes des navires, bâtiments de mer et de rivières.

Les Commissaires-priseurs exercent leur activité suivant une localisation géographique définie pour l’exercice des charges créés.

Le Commissaire-priseur, à travers ses fonctions, est un auxiliaire de justice qui œuvre avec les Huissiers de Justice à la mise à exécution des décisions de justice pour assurer le respect des droits de chacun dans l’État de droit.

La profession de Commissaire-priseur est organisée à travers une institution dénommée « Chambre Nationale des Commissaires-priseurs » qui représente l’ensemble de la profession, et qui est chargée du respect des règles déontologiques ainsi que de la discipline.

6. Sigles et Abréviations

Al. : Alinéa

Art. : Article

AU : Acte Uniforme (OHADA)

C. Sup. : Cour Suprême

C.A. : Cour d’Appel

Cass. Civ. : Arrêt de la chambre civile de la Cour de Cassation française

CC : Cour Constitutionnelle

CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA

DCC : Décision de la Cour Constitutionnelle du Bénin

Ibid. : Au même endroit

INSAE : Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique

J.O.R.B. : Journal Officiel de la République du Bénin

MEDP : Ministère du Développement et de la Prospective

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

RBSJA : Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives

Préc. : Précité

RGPH 3, Troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitat (2003)

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine



[1] Source : Troisième recensement général de la population et de l’habitat : RGPH 3, INSAE, MEDP, 2003.

[2] Extrait du Préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

[3] Gbaguidi (A.N.), Droit applicable et application du droit en république du Bénin, Bulletin de Droit et d’information de la cour suprême, n° 001, 1997, p. 12 et s.

[4] Voir par exemple DCC du 8 juillet 2006 et la brillante analyse y afférente du professeur Martin Bléou dans sa Leçon inaugurale de Rentrée solennelle à la Chaire Unesco de Cotonou, le 3 décembre 2007, Fascicule KAS, 2008.

[5] Ahouanka (E.S.), Le juge constitutionnel béninois et la protection des droits fondamentaux de la personne, RBSJA, n° 15, p. 99 et s.,

[6] Voir art.117 de la Constitution.

[7] Voir art.146 de la Constitution.

[8] Voir art.123 de la Constitution.

[9] Voir art. 122 de la Constitution

[10] Recueil des décisions et avis de la cour constitutionnelle, 2003, p. 673 et s.

[11] Voir art.122 de la Constitution du 11 décembre 1990

[12] Voir décision DCC 96-09 du 23 janvier 1996, Recueil des décisions et avis de la cour constitutionnelle, 1996, p. 47 et s.

[13] Voir décision DCC 03-125 du 20 août 2003, Recueil des décisions et avis de la cour constitutionnelle, 2003, p. 507 et s.

[14] Voir décisions DCC 94-11 du 11 mai 1994, Recueil des décisions et avis de la cour constitutionnelle, 1994, p. 37 et s. ;

DCC 98-017 du 11 février 1998, Recueil des décisions et avis de la cour constitutionnelle, 1998, p. 81 ets s. ;

DCC 98-020 du 11 mars 1998, ibid., p. 97 et s. ;

DCC 98-021 du 11 mars 1998, ibid., p. 101 et s. ;

DCC 98-022 du 11 mars 1998, ibid., p. 105 ert s. ;

DCC 98-044 du 14 mars 1998, ibid., p. 223 et s.

[15] Voir décision DCC 03-166 précitée

[16] Ahouanka (E.S.), préc., notamment, p. 110 et s.

[17] Gbaguidi, Les principes fondamentaux de détermination du droit positif béninois, in : Droit applicable et application du droit, préc., p. 14 et s.

[18] Gbaguidi, Ibid., p. 18 et s.

[19] Voir Différents Actes Uniformes en vigueur dans : OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés (connu sous le nom de « code vert », Juriscope, 2008.

[20] Kodo (J.M.V.), L’application des actes uniformes de l’OHADA, th. Paris Est, 2008, surtout, p. 185 et s.

[21] Loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du Travail en République du Bénin, J.O.R.B. du du 1er avril 1998, p. 263.

[22] Code des personnes et de la famille, Droits et lois, n° spécial, 2005.

[23] J.O.R.B., n° 3, du 1er février 2007, p. 95

[24] J.O.R.B., n° 5 du 1er mars 2008, p. 232.

[25] RBSJA, n° 15, p.

[26] J.O.R.B., n° 4 du 15 février 2008, p. 188.

[27] Pour l’essentiel, voir Recueil des principaux textes, Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme, Cotonou, Djelmo et ILSE 2008, Bibliothèque électronique relative aux Nomes Internationales du Travail, OIT, 2008.

[28] Actes du colloque international sur l’application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats francophones, Cahiers de l’AOA, HJF, Ouagadougou, 24 au 26 juin 2003.

[29] Recueil de textes, Institutions judiciaires : textes organiques et statuts des professionnels, MJLDH, p. 58 et s.

[30] Voir art.32 de la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007

[31] J.O.R.B., J.O., n° 2, 15 janvier 2005, p. 54 -59.

[32] J.O.R.B.,